Entretien avec Régis Lecussan, ingénieur ENSTA, co-dirigeant de l’entreprise EnerBIM basée à Toulouse et intervenant dans le module d’enseignement « Modélisation des informations du bâtiment » du Mastère Spécialisé® BE+, Bâtiments à énergie positive. Il enseigne des méthodes de travail s’appuyant sur le processus BIM (Building Information Modeling).
Qu’est-ce que le BIM ?
Le BIM est un processus de travail qui s'appuie sur une maquette numérique pour concevoir, réaliser et maintenir les bâtiments et ouvrages d'art.
Quels sont les avantages du BIM pour les acteurs du bâtiment ?
Le BIM favorise les échanges de données entre tous les acteurs du bâtiment, par le partage d’informations structurées et organisées à chaque étape du cycle de vie du bâtiment. Chaque intervenant peut exploiter et enrichir le projet en fonction de ses expertises. La modélisation 3D facilite la compréhension du projet pour toutes les parties prenantes. L’accès à toutes les informations techniques et géométriques permet aux acteurs du projet de limiter les pertes d'informations, de synchroniser leur travail et de de limiter les tâches sans valeur ajoutée, par exemple l'analyse des plans et la ressaisie de données.
Ainsi, le processus BIM minimise les erreurs potentielles associées aux processus de transmission manuelle et offre du temps de "matière grise" aux ingénieurs pour des études plus précises. Selon des études de Lean management, près de 50% du coût d’un bâtiment, provient de reprises, de corrections d’erreurs ou d’attentes de matériaux. L'utilisation du BIM contribue à réduire les retards d'achèvement des projets et à optimiser le temps de travail des intervenants. Par exemple, il permet de gagner jusqu’à 50% de temps dans les calculs thermiques.
Le BIM contribue-il à la transition énergétique ?
Le BIM participe significativement à la transition énergétique du secteur du bâtiment. Il permet de centraliser et stocker toutes les informations relatives au bâtiment, incluant les données énergétiques et environnementales. A partir d’une même maquette numérique, le thermicien, peut :
- faire une vérification réglementaire de la conception et de la construction ;
- effectuer une simulation thermique dynamique pour optimiser la performance du bâtiment en utilisant des paramètres tels que, l’ensoleillement, la production d’énergie par le photovoltaïque, l’éclairage naturel.
Dans la phase d'exploitation-maintenance d’un bâtiment, la maquette numérique contribue à améliorer la connaissance technique au cours de la vie du patrimoine et ainsi de mieux gérer et planifier les interventions de maintenance et travaux de rénovation.
Sur quels types de bâtiments peut-il se mettre en œuvre ?
Le BIM concerne tous types de bâtiments ou d’infrastructures, de la maison individuelle aux réseaux ferroviaires, neufs ou anciens. Dans la rénovation énergétique du patrimoine, le rétro BIM consiste à réaliser la maquette numérique du bâtiment existant pour étudier les travaux de rénovation, depuis l'audit énergétique à l'exécution du chantier. Une petite entreprise spécialisée en rénovation peut mettre en place un BIM et entrer dans l’optimisation du processus chantier en insérant différents acteurs dans la chaîne de rénovation globale. Elle accède alors à un métier d’ingénierie.
Existe-il des verrous à la démocratisation du BIM ?
Le verrou majeur est le manque de compétences. Il existe un déficit de professionnels formés à ces sujets. Il faut amener les entreprises à monter en compétences sur ces technologies spécialisées. Un autre frein consiste à perpétuer des habitudes de travail établies. Grâce au BIM, un architecte produira des livrables compréhensibles pour tous les corps de métiers associés. Le passage au BIM comporte des investissements organisationnels et financiers liés à l’acquisition de logiciels et la mise en œuvre de formations. Mais le retour sur investissement est rapide au regard du gain de productivité et de compétitivité sur le marché.
Le marché du bâtiment est-il prêt à accueillir le BIM dans ses projets ?
Il n’a pas le choix. Le BIM est un outil indispensable, à forte valeur ajoutée, pour réaliser la transition énergétique. Mais il faut passer par une phase d’investissement qui reste un frein dans le bâtiment. Lors des appels d’offre en construction, les maîtres d’ouvrage fixent des objectifs d’outils d’analyses et de simulations de plus en plus précis. La plupart des appels d’offre public à projet imposent un processus BIM en conception et de plus en plus en phase d’exécution. La fonction de BIM Manager consiste à coordonner le processus BIM. Il s’assure que la maquette numérique est conforme à chaque étape du projet et utilisable par les différents acteurs.
Le Mastère spécialisé® BE+ intègre le processus BIM depuis sa création. Régis Lecussan introduit les technologies du BIM, leur interopérabilité avec les autres logiciels métiers et conduit les apprenants aux compétences métiers recherchées. Ils sont amenés à gérer un projet en mode BIM et pratiquent au travers d’un audit énergétique complet. Les étudiants BE+ sont impliqués dans la transition énergétique et numérique.