Hybrider les compétences pour renforcer l’efficacité de la rénovation énergétique des bâtiments

Entretien avec Bruno Ladevie, directeur des formations d’IMT Mines Albi et enseignant-chercheur spécialisé en énergie.

Les émissions de gaz à effet de serre générées dans l’atmosphère par l’activité humaine ont des conséquences négatives de plus en plus visibles sur le climat. Pour enrayer ce phénomène, la communauté́ internationale s’est fixée des objectifs de neutralité carbone. 

Une urgence qui est sans cesse rappelée par les différents rapports du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat), une urgence doublée d’une impérieuse nécessité avec la crise énergétique actuelle. En France, l’objectif est d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. 2ème secteur le plus émetteur de GES du pays, le bâtiment est un levier essentiel pour l’atteinte de ces objectifs. 

Bruno Ladevie, directeur des formations d’IMT Mines Albi et enseignant-chercheur spécialisé en énergie fait le point sur les enjeux de la sobriété énergétique des bâtiments.   

L’atteinte de la neutralité carbone implique d’améliorer considérablement l’efficacité énergétique des bâtiments, de quelle façon engager une telle démarche ?

En France, le bâtiment représente annuellement près de la moitié de la facture énergétique du pays et il génère près de 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Si tous les bâtiments construits depuis 2020 ont pour obligation de produire plus d’énergie qu’ils en consomment, la construction neuve ne représente annuellement que 1% du parc. L’enjeu de la rénovation énergétique porte donc sur les 99% restants. Jusqu’ici priorité environnementale, ce levier d’action est devenu un impératif économique et social en raison de la tension énergétique que nous vivons. Aujourd’hui, la problématique n’est plus seulement de réduire les émissions de GES pour atteindre la neutralité carbone, mais c’est de le faire avec une énergie à coût constant. Cela signifie que la perspective d’un retour sur investissement de la rénovation énergétique n’existant plus, nos sociétés doivent en assumer le coût. La rénovation énergétique des bâtiments est donc plus que jamais soumise à une obligation de résultats. La meilleure façon d’y parvenir est d’aborder la rénovation sous l’angle de la problématique énergétique.

Pourquoi est-il important de prioriser la problématique énergétique ?

Tout d’abord, prioriser la problématique énergétique ne veut pas dire, prendre en compte cette seule problématique mais l’intégrer à toutes les dimensions de la rénovation. L’objectif est de maximiser les gains énergétiques. Aborder la rénovation d’un bâtiment dans sa globalité permet d’atteindre un rendement optimal en termes de consommations et de coûts énergétiques, mais aussi de confort d’usage. Les enveloppes (toit, fenêtres…), les équipements techniques (chauffage, production d’eau chaude…), le choix de l’énergie ou la mise en place de systèmes d’informations, tout cela doit être traité de façon connexe. C’est encore plus flagrant lorsqu’on envisage la rénovation énergétique dans un périmètre plus large. A l’échelle d’une ville par exemple, on peut intégrer la problématique de la mobilité, stocker l’énergie produite par les bâtiments dans les véhicules et la consommer plus tard. Un véritable gain quand on sait que le stockage de l’énergie reste un défi à relever pour la recherche.

Est-ce à dire que la rénovation énergétique des bâtiments appelle une approche systémique ?

L’approche systémique est en effet la seule façon de répondre efficacement aux ambitions environnementales, économiques et sociales de la rénovation énergétique. Elle repose sur trois leviers : le premier, c’est de favoriser les projets qui appréhendent la rénovation au-delà du bâtiment en lui-même (intégration dans la ville, cadres de vie adaptés aux usages, intégration aux réseaux…) ; le second, c’est de faire dialoguer des univers de compétences qui ont peu l’habitude de le faire (génie civil, génie climatique, énergies renouvelables, énergéticiens…) ; Enfin, le troisième c’est de mettre en œuvre une économie circulaire du bâtiment qui intègre la fabrication de matériaux de construction éco-responsables, des procédés de construction frugaux, le recyclage et la valorisation des déchets.

Les bâtiments sont assortis de fonctions sociales et économiques, ces paramètres sont-ils pris en compte dans une démarche de rénovation énergétique ?

Effectivement, la rénovation énergétique convoque de nombreuses préoccupations : économiques, de cadre de vie, sociologiques, d’ingénierie, architecturales… En France, ce sont des univers qui dialoguent relativement peu ensemble. Dans des pays comme la Suisse ou la Belgique, il existe des écoles d’ingénierie d’architecture qui délivrent toutes les compétences en ingénierie nécessaires à la conception d’un bâtiment. En France, les formations sont plus cloisonnées. Les formations en ingénierie et les formations en architecture sont dispensées dans des écoles distinctes. Rapprocher ces domaines d’expertises est une véritable nécessité pour relever les défis de la transition énergétique du bâtiment et plus largement de nos villes. Quelques formations hybrides émergent pour apporter une réponse à ce besoin. C’est notamment le cas du Mastère Spécialisé Bâtiment à énergie positive et de l’option « Énergies renouvelables, production et construction durables » du cursus ingénieur d’IMT Mines Albi. Des formations qui ont du sens quand on les envisage sous l’angle des enjeux sociaux que représentent l’énergie et le bâtiment.

Quel est, selon vous, le bâtiment idéal, pour la société de demain ?

Une construction fiable, vivable et simple.

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