Impact environnemental : comment les matériaux composites deviennent incontournables dans l'industrie aéronautique ?

Entretien avec Jérémy Crevel, responsable des laboratoires d’essais, au sein de l’entreprise Daher, sur le domaine des structures composites appliquées au secteur aéronautique.

Jérémy Crevel est responsable des laboratoires d’essais, au sein de l’entreprise Daher, sous-traitant de 1er rang d’Airbus. Il a en charge la gestion des laboratoires sur 4 sites (2 en France de manière hiérarchique, 1 au Mexique et 1 au Maroc de manière fonctionnelle). Il est expert des matériaux thermoplastiques injectés sur lesquels il a fait sa thèse à l’Institut Clément Ader-Albi UMR CNRS 5312.

Le domaine des structures composites appliquées au secteur aéronautique est enseigné dans le mastère spécialisé AMPAS – Advanced Manufacturing Processes for Aeronautical Structures.

Quels sont les principaux composites utilisés dans la construction aéronautique ?

Ces dernières années, on a vu deux types de composites prendre une part grandissante dans la fabrication des structures d’avion :  les composites à résine thermodurcissables (majoritairement en époxy) et les composites thermoplastiques pour lesquels la matrice est principalement en PAEK (Polyaryléthercétone). Faciles d’utilisation et plus légers que le métal couramment utilisé jusqu’ici, ces deux types de composites permettent d’alléger considérablement le poids des avions ce qui engendre une réduction de la consommation de carburant et un impact favorable sur l’environnement. Les résines de type BMI (Polybismaléimides), autre matériau en cours de développement, sont aussi utilisées dans certains cas pour remplacer les résines phénoliques.

Cependant, la construction aéronautique a une échelle de temps longue pour remplacer ses matériaux traditionnels. La procédure de développement, de certification et de qualification d’un nouveau matériau est longue et coûteuse.  Elle dure entre 1 et 2 ans, et représente un coût minimum de 500 000€. Le fabricant doit apporter des gages sur la fonctionnalité du matériau et les barrières d’accès au marché sont élevées.

Quels sont les développements les plus prometteurs dans le domaine des composites ?

Aujourd’hui, la recherche sur les composites à matrice thermoplastique est en plein essor et les grands donneurs d’ordre, tels qu’Airbus ou Boeing, travaillent sur l’intégration de ce matériau dans les structures. La raison de cette attractivité est double. C’est tout d’abord la capacité du thermoplastique à augmenter la durabilité globale du matériau parce qu’il est facilement recyclable. Par exemple, s’il a été utilisé pour fabriquer des pièces de classe 1, il peut être refondu et réutilisé pour fabriquer des pièces de classe 2 ou 3. On ne peut effectivement le réutiliser que pour fabriquer une pièce de classe inférieure, mais la recyclabilité est une propriété incontournable aujourd’hui.

Autre avantage du thermoplastique, c’est le potentiel de soudabilité qu’il offre lorsqu’on chauffe la matière. Aujourd’hui, les pièces composites sont fixées avec des rivets après perçage. La partie soudure représente donc un véritable enjeu pour convaincre les bureaux d’études que l’utilisation des rivets n’est pas indispensable. Des recherches sont en cours pour mettre au point un process de collage et/ou de soudure qui permettra de s’affranchir du rivetage.

Quels sont les freins à leur généralisation dans la construction aéronautique ?

La réparabilité en constitue un et pour tous les composites en général. En effet, lorsqu’une structure métallique reçoit un choc, ce n’est pas la même chose que sur une structure en composites. Pour réparer la première, il suffit de « riveter un morceau de tôle » sur la partie endommagée, alors que la composition en couches stratifiées du composite implique un délaminage et exige donc un ponçage de la zone endommagée avant réparation via un patch. Cet aspect engendre une certaine  réserve de la part des industriels.

Un autre frein à la généralisation des matériaux composites est qu’ils ne peuvent pas être utilisés dans des zones dites chaudes (zone moteur par exemple). Ces dernières, nécessitent des résines plus complexes à mettre en place (céramique) ou du métal.

Enfin, le développement des thermoplastiques se heurte au coût élevé de leur procédé de fabrication qui se déroule à très haute température : 180°C et 7 bars de pression pour les thermodurcissables, 400°C et >7 bars de pression pour les thermoplastiques. La seule façon d’atteindre ces niveaux de température est d’utiliser des autoclaves, matériel particulièrement coûteux.

Y a-t-il des perspectives pour l’évolution de ce procédé de fabrication ?

De nouveaux développements sont en cours sur des résines thermodurcissables, notamment l’époxy. Elles nous amènent à développer des connaissances sur des procédés tels que les technologies OOA (Out Of Autoclave) pour éviter de fabriquer avec un autoclave. Ces derniers pourraient être remplacés par des étuves, sortes de grands fours ventilés. Le coût de ces derniers est dix fois moins élevé. Une étude est également en cours pour revaloriser les chutes liées à la découpe des plaques pour la thermocompression, en les broyant et en faisant de l’injection pour d’autres pièces. La partie fabrication additive est aussi à l’ordre du jour pour la fabrication de différentes pièces à topologies complexes. Ces développements sont vraiment importants. Ils participent au « design to cost » qui est au cœur des enjeux de compétitivité.

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